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Regrets

«  18.11.2003. Avant-hier, en descendant de la Croix-Rousse à pied, je découvre un bouquiniste installé rue des Pierres Plantées, juste avant la Montée de la Grande Côte, qui affiche en vitrine trois gravures que, les regardant attentivement, je ne parviens pas à identifier. Je rentre, je palpe, et découvre trois eaux-fortes d’un certain J.-C. Charmier, que je ne connais pas du tout, mais élève probable de Baron étant donné son style. Le marchand me dit avoir acheté un lot d’atelier et avoir écoulé déjà un certain nombre de belles pièces, plus belles que celles qui lui restent.

Charmier,  Paysage au château, 15 x19,5 cm.
Charmier, Paysage au château, 15 x19,5 cm.

Je demande à voir tout ce qu’il a et il sort une chemise dans laquelle figurent huit gravures du même artiste. Elle me font terriblement envie. Il les a affichées cependant à 60 € l’une, ce qui est trop pour moi, et d’ailleurs beaucoup pour un artiste inconnu. Je n’ai rien sur moi et je promets de revenir deux jours plus tard.

Ce que je fais. Négociations. Il refuse les 150 € que j’offre puis finit par accepter. J’emporte les cinq gravures que j’ai choisies au prix que je m’étais fixé. Parmi les trois restantes, se trouvaient une des estampes déjà en ma possession, achetée en 1992, et que, faute d’une signature, j’attribuais jusqu’ici à Baron ou Allemand. Le marchand a sorti cette fois un carton à gravures d’où il a tiré des dessins, des reproductions, et d’autres estampes qui appartenaient à ce fonds d’atelier dont une de Fischer, coupée au trait carré, et plusieurs de Weirotter, qui, ayant beaucoup produit, n’ont pas grande valeur à mes yeux. Il possédait des couples dessin-gravure et il lui reste quelques dessins de maisons, arbres sans grand intérêt. Des vues de Lyon seraient intéressantes. Peut-être retourner voir dans quelque temps pour acheter les trois estampes restantes. »

 

Voilà in extenso un extrait d’un carnet de collectionneur (carnet commencé en 1989, et arrêté d’ailleurs depuis 2006). Un moyen de mémoriser, épisodiquement, les trouvailles, les circonstances, les prix…les trucs à savoir. On trouvera une biographie de Charmier et ses estampes sur la page à lui consacrée sur ce site, artiste dont je me vante d’être le seul et le plus riche collectionneur au monde !

Charmier,  La maison à la potence, 8 x 15,7 cm.
Charmier, La maison à la potence, 8 x 15,7 cm.

Mille regrets, oui, pour avoir été trop timoré… Dans cette affaire, pourquoi n'avoir pas acquis les huit estampes en possession du bouquiniste ? Et les trois de la vitrine ? Et les dessins étaient-ils si mauvais ? Depuis 2003, je n’ai pu trouver qu’une seule autre estampe de cet artiste, même après avoir demandé à mon marchand habituel de garder pour moi tout ce qu’il trouvait… Pourquoi n’avoir pas acheté les couples dessin/gravure : chose rarissime ! S’il s’agissait de Weirotter (voir au Fine arts Museum de San Francisco), graveur viennois du XVIIIème, qui avait appris la gravure à Paris et vécu près d’une dizaine d’années en France, gravant principalement des paysages (288 estampes), l’erreur est impardonnable. 

Bref, le collectionneur fait parfois de mauvais choix, se trompe plus souvent qu’on ne le croit. Ses critères, ses priorités, ses goûts changent, comme le marché lui-même.

On voit aussi que plus un artiste est oublié, plus son oeuvre est difficile à trouver. Et que la rareté ne fait pas toujours le prix… 

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