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Dynastie

La région lyonnaise a fourni à l’histoire de l’art plusieurs dynasties de peintres et graveurs : les plus connus sont les Audran, les Drevet, les Cars.  Mais il en est de moins connus, qui pourtant, en leurs temps, ont compté.

L’histoire de cette dynastie-là commence à Montbrison, dans le comté de Forez, à la fin du XVIème siècle. 

Georges Parrocel est peintre, semble-t-il, et dirige un petit atelier qui fournit aux alentours les peintures dont on a besoin. Il a épousé Louise de Ladut, et leur couple compte parmi les familles aisées de la ville. Ils ont leur maison, rue Neuve, une des rues les plus vivantes de la cité. En 1595 ils ont un fils, Barthélémy, élevé avec les plus grands soins pour qu’il devienne quelqu’un : on veut en faire un prêtre ou un juriste. 

Joseph Parrocel, Soldats au bivouac, 8,8 x 16,3 cm.
Joseph Parrocel, Soldats au bivouac, 8,8 x 16,3 cm.

Mais les choses ne se passent pas comme les parents le voudraient : on se souvient de M. Poquelin et de Jean-Baptiste à qui on veut faire faire du droit : pas question d’aller sur les routes vivre la vie dissolue et désargentée des comédiens. Barthélémy est de la même trempe que le futur Molière : une vocation irrésistible l’entraîne, lui, vers la peinture. 

On ignore le déroulement des faits : on peut imaginer un adolescent rêveur, toujours occupé à quelque dessin, heureux dans les odeurs de l’atelier et en même temps, révolté, combattant les désirs paternels et refusant cette autorité, ce destin qu’on lui fabrique. 

Toujours est-il qu’un beau jour il quitte la maison paternelle : il ne veut pas rester là, dans cet univers borné, il veut connaître l’Italie, qu’on dit la patrie des maîtres. Là-bas, il pourra se livrer à sa passion, la peinture, entrer dans un atelier, parfaire son apprentissage. Le voilà qui s’embarque sur le Rhône pour gagner Marseille : il y trouvera bien un bateau pour l’emmener jusqu’à Civitavecchia : alors, à nous Rome !

Charles Parrocel, Etudes de soldats, les rameurs, 16,4 x 12,2
Charles Parrocel, Etudes de soldats, les rameurs, 16,4 x 12,2

Mais survient une rencontre imprévue qui détourne le jeune fou de son dessein, celle, en Arles, d'un grand d'Espagne qui rentre en son pays. Charmé de sa bonne mine et de ses dispositions, ce dernier l’emmène avec lui dans sa patrie contre argent sonnant. Il y devient un peintre estimé ;  il exécute de nombreux travaux pour les nobles de Madrid et d’ailleurs. Il croise le grand Vélasquez, dit-on. Il séjourne plusieurs années en Espagne, toujours tenaillé cependant par le désir de Rome. 

Et finalement, Barthélémy s'embarque pour l’Italie sur un navire marseillais de passage ; la traversée prend quelques jours, en principe, si tout va bien. Au quatrième jour, l’alerte est donnée. Voilà les pirates ! le navire de commerce, chargé, lent, ne peut résister au pirate algérien. Non, il n’y a pas que chez Molière que des brigands enlèvent les gens pour obtenir des rançons ! Le navire arraisonné est conduit à Alger. Par chance, le capitaine marseillais connaît le consul français et grâce à la protection de ce dernier, ils sont libérés et gagnent Rome. 

Suivent alors plusieurs années de travail et de perfectionnement : Barthélémy se mêle aux nombreux peintres français venus pour la même raison, qui y résident, habitant presque tous le même quartier, parfois plusieurs dans la même demeure. On passe d’une église à l’autre, on arpente le Vatican, on va regarder les Raphaël dans les galeries privées et on travaille, on répond à des commandes.

Vers 1630, Barthélémy, pour une raison ou une autre, prend le chemin du retour, par la mer, car il veut revoir le capitaine qui l’a sauvé et qui habite à Brignoles. C’est là que le destin va l’arrêter : il y rencontre une certaine Catherine Simon : coup de foudre, mariage le 18 septembre 1632. 

 

Et le jeune couple s’établit à Brignoles, pour fonder une famille de peintres, Jehan, Louis, et Joseph, le plus connu, qui va devenir le peintre de bataille de Louis XIV et dont on a redécouvert l’oeuvre à l’occasion de restaurations et d’expositions récentes. Charles (1688-1752), le fils de ce dernier, peintre graveur sous Louis XV, petit-fils de Barthélémy, reçu à l’académie de peinture en 1732, pensionné par le roi.  Encore avons-nous cité ici seulement les principaux… 

 

Trop romanesque pour être vrai… Ma source ? Etienne Parrocel (1817-1899) un descendant de la famille, malgré tout critique d’art, membre de l'Académie des Lettres et des Sciences de Marseille, auteur d’une Monographie des Parrocel, 1861, qu’on trouve à la BNF. 

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Commentaires: 4
  • #1

    gerard Klein (dimanche, 19 avril 2020 14:08)

    Belle histoire et beaux périples , en effet, sans doute édulcorée par l'auteur, rejeton familial.
    Mais n'est-ce pas une forme d'impérialisme Rhone-estampien que de considérer cette lignée de Parrocel comme "de la région lyonnaise"? Montbrison, cité respectable et fertile en esprits clairs (là je faillotte!), sis au-delà de la Loire n'est pas vraiment de la région Lyonnaise, surtout à l'époque relatée.
    "Tu oublies que le président Wauquier habite quai Briand à Caluire" me souffle ma chienne Plume , en ajoutant malicieusement "c'est à moins d'un kilomètre de confinement du quai de Serbie!"
    Et puis ces Parrocel étaient, écris-tu, de grands voyageurs,séjournant à Marseille, en Espagne, Italie, puis en cours à Paris ou à Versailles avant de s'installer à Brignoles; belle trajectoire certes, mais point de quenelles ou de salade aux lardons pour les baptiser lyonnais. mais peut être nous trouveras-tu une gravure rappelant notre bonne ville de Lyon (sans tomber dans mon travers anecdotique!) ?
    Ce qui me parait intéressant aussi, c'est le récit de la transmission d'un savoir faire familial sur plusieurs générations, signe que l'expression artistique ressortait alors plus d'un" métier d'art", de l'artisan donc, loin du statut de "l'artiste" d’aujourd’hui, plus individuel, plus solitaire...plus autocentré aussi.

  • #2

    PB (dimanche, 19 avril 2020 19:33)

    Le champ "rhonestampien" concerne l'estampe de Genève à Marseille, donc le quart sud-est de la France. Et je vais même élargir mes investigations : je suis en train de préparer une page sur un artiste bourguignon...
    Ai-je parlé d'artistes lyonnais ? Cela serait en effet exagéré. Originaire de la région lyonnaise, plutôt. A vrai dire, j'ai derrière la tête que de nombreux artistes originaires de la région l'ont quittée...

  • #3

    gerard Klein (lundi, 20 avril 2020 15:51)

    C'était juste pour chicaner, en n'excluant pas de la mauvaise foi...
    Mais, diantre! de Genève à Marseille? Et Plume de remarquer:"la gravure au mur au dessus de mon coussin est bien marquée drawn by T. Alorm, engraved by S.Fisher de London pour un paysage de Rochemaure on the Rhone, alors Marseille, c'est à côté"...

  • #4

    PB (lundi, 20 avril 2020 18:57)

    Le Rhône c'est aussi un fleuve...