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Bernard Rouyard, la quête de la lumière

Bernard Rouyard est graveur, et c’est par ses estampes que nous sommes entrés dans son univers. Mais il est aussi peintre : peintre graveur, dit-il de lui-même. C’est déjà beaucoup dire. Une espèce autrefois bien connue, maintenant quasi disparue, c’est ce qui fait son charme. Et dans un temps où les repères de toutes sortes font défaut, son intérêt.  On a vu récemment son travail de peintre à la galerie Jean-Louis Mandon, et, par exception, il sera question ici de peinture, plus que de gravure. 

A première vue, Rouyard, peintre de tradition, tend à la représentation du réel : ateliers, intérieurs, figures, paysages, natures mortes. Mais chaque fois, le regard ne remarque aucun élément descriptif un peu précis. Les figures, lointaines, sont comme surprises dans une activité silencieuse de leur vie intérieure. Dans la nature morte, une gousse d’ail, une bouteille, un flacon de couleur, sont presque toujours perdus dans un espace trop vaste. Partout, ce qui frappe c’est l’imprécis, et le vide, signe d’une recherche d’universalité. Avec la lumière qui baigne choses et figures, cette peinture plus suggestive que réaliste évoque certains instants, suspendus et comme sauvés du temps qui passe et de l’oubli; des instants de l’existence simple et banale, chargés de silence et de sérénité, où les choses semblent vibrer elles aussi d’une vie secrète. Le peintre ne donne pas à voir, car on ne voit presque rien, mais à sentir, à reconnaître un moment perdu, une lumière, un geste. 

B. Rouyard, Grand intérieur, tempera et huile sur toile, 130x130
B. Rouyard, Grand intérieur, tempera et huile sur toile, 130x130

Ensuite se manifeste le souci qu’a l’artiste d’équilibrer la composition : cela concerne à la fois la disposition des éléments représentés et la nature des couleurs dans l’espace de la toile. Mais est-ce jeu ? Est-ce trace d’une insatisfaction profonde, insurmontable ? Il cherche si longuement la couleur idéale, l’harmonie la plus expressive sur la toile ou le papier que le réel en est atteint. Le travail tend alors vers la rouille, le jaune orangé. Comme la lumière, vrai motif de la peinture, qui finit par tout emporter. De là vient que les choses, les figures soient dissoutes, au point d’être silhouettes, formes vagues et flottantes. Ce qui n’exclut pas et au contraire met en valeur le contrepoint tranchant d’un rouge, ou vert, ou bleu pur, pur concentré d’émotion.

De cette lente et progressive élaboration, on voit sur la toile, quand on s’en approche, la trace et les marques. Toutes les étapes du travail s’y devinent. Ici ou là, dans la matière-peinture, ce sont des grattages, des effacements, des surcharges, des reprises, des retraits… 

B. Rouyard, Atelier, huile sur toile, 50x65.
B. Rouyard, Atelier, huile sur toile, 50x65.

 Finalement, la peinture de Rouyard est une peinture sur le processus du travail : on y sent encore le passage du temps, la violence de l’effort, de la concentration, du jugement, on en voit les errements et les repentirs. Bien loin de ne nous montrer qu’un intérieur ou qu’un atelier, la toile montre la peinture en train de se faire : ce qu’il peint, c’est son effort même de peintre, avec ses avancées et ses reculs, ses propositions et ses renoncements, ses réussites et ses difficultés, ses échecs, ses calculs et ses hasards.

 

On ne dira pas que Bernard Rouyard, peintre contemporain, interroge la possibilité de la peinture. Non ! La peinture est, un point c’est tout. D’ailleurs, l’artiste n’interroge rien du tout, si ce n’est lui-même peut-être. En revanche, pleinement assuré des pouvoirs du medium, il cherche, il essaie, il tâtonne, et ce faisant, il répond à cette question que se sont posés tous les peintres : comment peindre ? C’est là son mérite et il est grand.

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