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Philippe Jaccottet, l'inoubliable

Toi cependant,

 

ou tout à fait effacé

et nous laissant moins de cendres

que feu d’un soir au foyer,

 

ou invisible habitant l’invisible,

 

ou graine dans la loge de nos cœurs,

 

quoi qu’il en soit,

 

demeure en modèle de patience et de sourire,

tel le soleil dans notre dos encore

qui éclaire la table, et la page, et les raisins.

 

Philippe Jaccottet, Leçons, 1969

 

 

Ces quelques lignes de Philippe Jaccottet décédé la semaine dernière, tirées d’un de ses plus sensibles recueils publié à la suite de la mort d'un proche, on les retourne en hommage à leur auteur. 

Pour dire tout le bien qu'il nous a fait : on lui doit d'avoir aimé la poésie. Ni  plus ni moins.  Alors que pour beaucoup d’auteurs la recherche de la nouveauté avait conduit, pendant quelques décennies, à l’obscurité, avec lui, élaborée dans le refus du surréalisme et du « stupéfiant image », la poésie retrouvait une humanité, une sensibilité et une immédiateté lumineuses. 

Avec la lecture de Airs, de Leçons, de A travers un verger, de Beauregard, on fait l'expérience d'une simplicité, d’une évidence susceptibles de parler à toutes les âmes. Et il aimait comme nous ce pays presque provençal de Grignan. 

 

Si son épouse Anne-Marie a illustré d'aquarelles ou de lithographies quelques uns de ses recueils, peu d’artistes ont gravé pour les textes du poète, à tel point qu’on en est étonné. On peut citer Gérard de Palézieux (Paysage de Grignan, 1964, douze eaux-fortes), Tal Coat (A travers un verger en 1975, trois eaux-fortes ),  Zao Wou Ki  (Beauregard, 1981, cinq eaux-fortes), Claude Garache, (Année, 2008, quatre eaux-fortes). 

Cette discrétion, cette réserve peut-être, ne l’empêchait pas d’aimer la peinture, comme en témoigne Le bol du pèlerin (sur Morandi) et de recevoir à Grignan ses amis peintres, artistes solitaires et sensibles à la beauté du monde, comme à son silence. C’est qu’Il aimait les artistes qui n’avaient pas rompu le fil, et qui, isolés, discrets, un peu méconnus, continuaient à chercher toujours la lumière «  dans la chambre du coeur ».

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