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En toute discrétion

En s'intitulant "En toute discrétion", l'exposition de la collection Jacquemin veut rendre hommage à la fois à l'attitude du collectionneur, dont la passion est demeurée chose intime, et à celle de la donatrice, son épouse, qui fut aussi la collaboratrice de son mari. Il faut d'abord saluer le geste généreux de Christiane Jacquemin, qui se sépare ainsi, pour le donner à voir à tous, de ce qui a donné sens à une vie.

 

Il faut saluer aussi l’accueil enthousiaste que lui ont réservé les institutions locales. Le musée, qui présente surtout un fonds d’arts graphiques riche en dessins, s’enrichit ainsi en eaux-fortes, et s’est donné rapidement l’ambition non seulement de cataloguer l’ensemble, mais de le présenter au public, en l’accompagnant d’un volumineux et précieux catalogue. Effort tout à fait remarquable dont il faut féliciter la conservatrice des arts graphiques, Amandine Royer et son équipe.

 

La collection Jacquemin est intéressante à plus d’un titre. Eclectique, elle s’ouvre à tous les genres, même si des préférences se manifestent ; assez généraliste, elle réunit des planches du XVIème au XXème siècle, venant de France, de Hollande, de Grande-Bretagne ou d’Italie. Mais elle ne couvre pas l'époque moderne.

On se réjouit surtout qu’il existe encore des collectionneurs de gravures. Et ce qui séduit, c’est que l’exposition donne à voir le profil d’un type de collectionneur qu’on pourrait croire disparu mais qui ne l’est peut-être pas tant que cela : celui d’un amateur à l’esprit indépendant et curieux, qui se forme peu à peu, dans l’intimité de son cabinet, par la contemplation des pièces au fur et à mesure acquises, et par les visites chez les marchands et la fréquentation des livres. Un homme qui rassemble des oeuvres sans tenir compte de leur valeur financière - comme on est loin ici de la collection placement ! - ou de la dernière mode en cours. Michel Jacquemin et son épouse élaborent ainsi le périmètre de leurs goûts en toute autonomie. 

 

Il y a certes quelques passages obligés, deux estampes de Dürer, des Callot, des eaux-fortes des paysagistes hollandais du XVIIème, mais aucune de Rembrandt, de Goya, de Raimondi, de Manet, de Corot…  En revanche, on va trouver des estampes de Bernard Picart au XVIIIème, de Léon Lhermite, de Brouet, de Bléry au XIXème, et de beaucoup d’autres aux noms connus des seuls spécialistes. 

L’exposition montre avec intelligence et pédagogie les différents aspects de cette collection. Elle découvre le choix déterminé de l’eau-forte en noir, et au XIXème de préférence même à la lithographie peu représentée. On y découvre la place tout à fait étonnante prise par le portrait, notamment celui d’intellectuels humanistes, savants ou théologiens du XVIème siècle.  On y remarque aussi le choix des scènes de genre, révélatrices de la vie quotidienne, depuis les activités domestiques jusqu’aux activités extérieures liées aux métiers les plus divers. Et même, c’est aujourd’hui un comble, tout un ensemble réunit des estampes animalières. 

Maxime Lalanne, Les roches noires
Maxime Lalanne, Les roches noires

On y remarque aussi le choix des scènes de genre, révélatrices de la vie quotidienne, depuis les activités domestiques jusqu’aux activités extérieures liées aux métiers les plus divers. Et même, c’est aujourd’hui un comble, tout un ensemble réunit des estampes animalières. 

Leur goût les porte enfin vers le paysage, et l’on voit des planches de A. Waterloo ou Jan Both  du XVIIème,  et des estampes de petits maîtres du XIXème issus de Barbizon, et du renouveau de l’eau-forte après 1860, comme M. Lalanne… 

On aurait aimé que l’exposition donne à voir le développement de cette collection dans le temps : par quoi a-t-elle commencé ? Comment s’est peu à peu orienté le goût de l’amateur et le choix des oeuvres ? Mais l’historique des acquisitions n’était apparemment pas faisable. 

En tout cas, le musée récemment rénové, l’accrochage, avec des cadres qui sortent de l’ordinaire baguette en bois blanc, les cartels explicites et lisibles, tout concourt au bonheur et à la curiosité du visiteur.

PB

 

Du 20 novembre au 27 mars 2022

Musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon.

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