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M. Rey-Barthélémy, ou la douceur des choses...

C’est une artiste qui nous avait habitué à des oeuvres abstraites, sombres et riches en même temps, luxueusement travaillées, pareilles à une orfèvrerie raffinée de teintes et de formes, plongeant ses racines dans un univers intérieur toujours fuyant et énigmatique. 

 

Voilà que MRB se réinvente partiellement. Elle propose, toujours sur du papier, toujours dans des formats carrés et petits, des oeuvres d’où quelque chose du monde semble apparaître, émerger lentement, difficilement, comme venant de loin, et remontant à la surface de la conscience. Rien de tranché, de définitif. On est dans ce moment où le monde est encore flou, presque saisissable, compréhensible mais susceptible aussi de s’évanouir à l’instant, avec un geste trop brusque, une parole trop haute. Un moment d’éveil ? de réveil ? oui, sans doute.

Le monde ? La vitre d’une fenêtre fermée sur un au-dehors incertain, un empilement instable de boîtes, une futaie ombreuse où un jour de plâtre éclaire vaguement les verticales des troncs; ou bien encore de vagues tissus froissés, amoncelés, en désordre -  vêtements ? draps ? - , des coussins aux sensuels tissus de velours, des miroirs obliques, tout témoigne d’une vie secrète. Et d’une somptuosité splendide, au sens premier du terme, rayonnante. Partout le silence, comme dans les natures mortes réussies, mais pas un silence de mort, pas le silence de l’au-delà, mais un silence qui est celui de la paix retrouvée, d’une contemplation rassérénée des choses. Parfois, dans des eaux-fortes, une trame régulière, infiniment légère, presqu’invisible de loin, tamise un coin de création, pan de mur, vague chemin de terre, taches de lumière sur le sol, hautes fenêtres. 

On pourrait, tant est puissamment troublant le résultat, ne dire presque rien de la lente et longue mise en oeuvre qui aboutit à la création de cet univers, lourd de temps et d’espace. Mais le processus lui-même suggère quelque chose aussi. Devant nous, sous notre regard, entre nos mains si l’on a la chance de pouvoir saisir l’estampe même, reposent, invisibles car écrasés par la presse, des couches successives, des strates multiples de sédiments divers ; images photographiques, traces de vernis mou, empreintes de textiles, de je ne sais quoi encore, qui viennent se fondre miraculeusement dans la minceur du papier. Invitation à une archéologie mystérieuse !  Prendre le temps de voir au-delà de ce qui est représenté, imaginer, par un long retour en arrière, les vagues successives et profondes de collages. Toute une machine à remonter le temps, à en saisir l’épaisseur.

 

On aura compris que chaque épreuve est unique. Doit-on parler de monotype ? Oui, si l’on considère seulement cette unicité. Mais le sens de ce mot (impression d’un dessin effectué directement sur la plaque de métal, sans utilisation de vernis, de pointe, de burin) ne rend pas justice au long cheminement de MRB, pour le travail de laquelle il faudrait un nouveau mot. Quoi qu’il en soit, plus que le procédé, l’important est le résultat, qui conduit au bonheur des yeux.

 

Galerie Jean Louis Mandon, du mardi au samedi, 14-19 heures.

Du 27 avril au 21 mai.

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Commentaires: 2
  • #1

    Chazal (samedi, 07 mai 2022 18:31)

    Il est vrai que le silence d'une gravure a tant à dire. Chaque image donne à rêver. Ainsi se crée le labyrinthe de l'imaginaire.

  • #2

    Gérard Chazal (dimanche, 15 mai 2022 11:31)

    Sur les murs l'alignement des œuvres crée un chemin que le rêve parcourt d'évocation en évocation. Chaque image fait station et à chaque station le regard se réinvente.