Jacques Laplace, 1890-1955

Jacques Laplace est né à Lyon le 4 septembre1890, d’un père employé de commerce et d’une fille de la petite bourgeoisie.  Après des études secondaires troublées par le divorce de ses parents,  en 1905, noté comme « à la charge de sa mère », il entre comme élève à L’Ecole des Beaux-Arts de Lyon, où il fait une scolarité assez brillante et d’où il sort diplômé en 1910. Il y croise Emile Didier, Antonin Ponchon, avec qui, dix ans plus tard, ils formeront le groupe Ziniar.

 

Il expose à partir de cette date au salon d’Automne de Lyon. Sa peinture est alors imprégnée du post-impressionnisme dominant, caractérisée déjà par une simplification des formes.

La guerre vient interrompre une carrière bien lancée. Il est mobilisé dès 1914 comme hussard puis chasseur, et démobilisé en août 1919.

Cela ne l’empêche pas d’exposer en 1917, à la réouverture du salon d’Automne de Lyon, quatre huiles : deux paysages de neige, un Printemps (paysage), un Portrait du poète Gabriel-Joseph Gros et un autre portrait, ni de présenter un dessin comme couverture de la 6ème livraison de la revue Les journées de MCMXIX, animée par le même poète G.-J. Gros.

 

A la fin de 1920, il fait partie du groupe Ziniar (1920-1924) et donne chaque fois une oeuvre aux trois albums de bois gravés et de pochoirs qu’ils publient en 1920 et 1921. La critique le place parmi les représentants achevés de la peinture  moderne : « tons sales poussés au sombre, formes brusques et frustres, recherche de l'effet et de l’atmosphère » écrit L. Roville dans le Salut public du 19 octobre 1922, à l’occasion du Salon d’automne.

En 1925, avec ses amis du groupe ziniar, il participe à la fondation du Salon du Sud-Est, auquel il restera fidèle toute sa vie.  En décembre de la même année, Il se marie avec une Marguerite Figuier, avec pour témoins Antonin Ponchon, peintre ziniar aussi, et Joseph Jolinon,  l’écrivain.

Sa peinture est alors probablement influencée par celle de Roger de la Fresnaye, le cubiste modéré de la Section d’or de Jacques Villon, ce qui ne plaide pas en sa faveur auprès de la critique conformiste et d’un certain public lyonnais.

Il participe, avec Emile Didier, aux aventures de l'avant-garde futuriste et dadaïste lyonnaise en travaillant pour la revue de Malespine, Manomètre ( un bois gravé en 1923 sur les 9 numéros parus entre 1922 et 1928). 

 

Marius Mermillon, dans le premier article un peu argumenté qu’il donne sur le groupe des artistes  de Ziniar à l’occasion de leur dernière exposition en 1924, écrit que « Jacques Laplace a beaucoup moins subi l'attrait des systèmes. Le sien fut de les éviter tous… Fort en thème à l'école des Beaux-Arts, il en apprit les pratiques au bon moment, vers la 22ème année, et depuis il montra qu'il savait et pouvait "construire" au sens dogmatique de la formule à la mode. Il fut le premier à revenir à la lumière. »

Entre 1925 et 1930, il est considéré parmi les meilleurs peintres lyonnais en compagnie de Pourchet, Senard et Didier et son art, marqué aussi par le retour à l’ordre, s’assagit, au point qu’il finit par trouver complètement grâce aux yeux de Marius Mermillon : dans la préface (citée par Paul Garcin dans Comoedia du 20 mars 1929) d’un catalogue d’une exposition personnelle de 1929, Mermillon évoque avec émotion ses souvenirs d’une exposition précédente cinq ans auparavant :   « On se souvient encore des amoureux paysages du Mont Cindre, de Collonges, de Saint-Cyr, exposés il y a cinq ans : peupliers du printemps au fond des prairies, blés de juillet sous le flanc des coteaux, l’église sous le ciel de Pâques, les sentiers de promeneurs le dimanche ». 

Son succès est confirmé par la participation en 1927 à une édition illustrée de Mémoires d’un touriste de Stendhal aux éditions G. Crès, en compagnie de Albert André, Maurice Asselin, Lucien Mainssieux, Albert Marquet, Jean Puy et Paul Signac. Pourtant Jacques Laplace ne vit pas de sa peinture, car en 1926 il est dessinateur en vitraux.

En 1928 il est exposé à Paris, à la galerie Zak, avec Charles Sénard et Antonin Ponchon, que la presse présente comme « trois des meilleurs peintres lyonnais ». (L’Europe Nouvelle, 27.04.29)

En 1929, dans l’exposition particulière à la galerie des Archers, préfacée par M. Mermillon (cf. ci-dessus), il montre des paysages lyonnais et de Lozère. En mai 1930, une autre exposition de peintures et aquarelles, a lieu à la galerie de Sèvres, à Paris.

Au cours des années trente, il semble avoir préféré peu à peu l’aquarelle à la peinture à l’huile, et cette modestie lui a sans doute valu une progressive désaffection tout à fait imméritée. Sa peinture entre 1910 et 1935, pour ce qu’on en connaît, car elle est rare dans les collections publiques et sur le marché, est particulièrement intéressante et séduisante, tout autant que celle d’un Emile Didier, et attend une nouvelle consécration.

 

En 1933, on le sait professeur à l’école de tissage de Lyon, 2 place Belfort (actuelle place Bertone), et professeur à l’école des Beaux-Arts de Lyon où il a formé en partie les futurs « Nouveaux » :  « Son intelligence aiguë, sa sensibilité et le sens qu'il possédait de déceler et d'encourager chez un jeune confrère la personnalité naissante m'ont marqué. Il était profondément épris de sa ville, a su en extraire dans ses merveilleuses aquarelles l'âme secrète. Toute son œuvre réalisée entre Lyon et son petit village de Chaponnay en  Bas-Dauphiné n'est qu'un chant dédié à sa région. »  écrit Chancrin, dans les Mémoires de l’académie des sciences et belles lettres de Lyon en 1975.

Au salon du Sud Est de 1934, il présente « une grande et courageuse Place Bellecour au printemps  ainsi qu’une vigoureuse Nature morte au panier, selon le critique de Lyon républicain (15.04.34). En 1935, il est présent à un salon des peintres indépendants en Avignon. 

 

Durant la seconde guerre mondiale, il s’engage dans la Résistance, intégré pour finir dans les FFI.

A la fin des hostilités, il reprend son activité de peintre, exposant notamment à la galerie Folklore, et il est célébré par René Déroudille pour ses talents d’aquarelliste, même si le critique ajoute qu’on ne doit pas « ignorer son oeuvre de peintre. Peut-être s’exprime-t-il avec moins d’aisance dans ses toiles où l’on sent son pinceau moins libre, sa couleur moins dense. Mais ce qu’il faut noter, c’est l’effort de cet artiste refusant de se laisser emprisonner dans un genre ».

En 1944 et 1945, il expose aussi à la galerie des Jacobins, 9 rue jean de Tournes. Parfois avec Marie Jolinon, ou avec Emile Didier, et Etienne Morillon, amis et complices de toujours.

Sympathisant communiste depuis longtemps, il expose en 1952 à Lyon dans une grande exposition pour la Paix, un Repas de paysans, qui attire l’oeil du critique des Lettres françaises Paul Garcin.

Retiré à Chaponnay, dans le Dauphiné proche de Lyon, il décède à Lyon le 20 septembre 1955.

 

 

 

Son oeuvre peint est conservé dans les collections de la Fondation Renaud, de la Ville de Lyon, du Musée des Beaux-Arts de Lyon, du Conseil général-Département du Rhône, du Musée Paul Dini Villefranche-sur-Saône.

 

L'oeuvre gravé de Jacques Laplace, tout à fait méconnu, notamment la période des années 10 à 20, mériterait un recensement et une étude sérieuse.

Il a illustré Ophélia ou L’Anglaise de la colline, de Félix de Chazournes, de 24 lithographies en couleurs,  (éditions Les Tables Claudiennes, chez H. Lardanchet, 1946.)

 

 

 

Bibliographie :

Presse : le Progrès, Salut Public, Comoedia, Les lettres Françaises, la Revue des Beaux-Arts

 Jacques Laplace, catalogue du Salon du Sud-Est, rétrospective, 1955. 

« Les Ziniars » Elyane Gérôme, Lyon Forum, 1976.

Les Ziniars, 1920-1924, catalogue de l'exposition, Musée  des Beaux-Arts, 1976,

Bâtisseurs de Lumière, paysages sacrés, vision de peinture, notice d'exposition (12.09.96 -17.11. 1996) par Bernard Gouttenoire, Château de Lacroix-Laval, 1996.