Antoine Ponthus-Cinier, 1812-1885

Peintre d'origine lyonnaise, il fait ses études auprès de Paul Delaroche, selon Audin Vial. Il est second prix de Rome en 1841 et séjourne deux ans en Italie, avant de revenir en France en 1844.

Il expose très régulièrement au Salon de Lyon, à Paris de 41 à 67, au Salon de Rouen en 1869, et celui de Dijon en 1881, à Marseille, Saint-Etienne...

Ponthus-Cinier a fait don à la Bibliothèque de Lyon de deux albums de lavis de sépia ou d’encre de Chine, dont les dessins représentent les principaux tableaux de l’artiste, avec les noms de leurs possesseurs. Ils portent le titre de Reproduction des principaux tableaux de Ponthus-Cinier, avec les noms des possesseurs et leurs dimensions. 

 Son oeuvre peint, d'une application classique, équilibrée, empreint d'une belle lumière,  trouve encore aujourd'hui des amateurs en salle des ventes, notamment pour les grands paysages d'Italie ou de Lyon.

 

 

La réception de l'oeuvre

 

Dès la fin de ses études d’art, Ponthus-Cinier a été un artiste remarqué (par son deuxième prix au concours de peinture du prix de Rome), dont la critique a salué régulièrement les progrès et qui a fini par devenir un incontournable, un maître incontesté, ses paysages italiens étant les plus appréciés (aujourd’hui encore), la bourgeoisie locale recherchant aussi les petits paysages régionaux ou méditerranéens qu’il a produits en quantité. Il expose principalement dans le salon lyonnais de la Société des amis des arts. Il aurait vite cessé d’envoyer des toiles à Paris, ayant suffisamment d’acheteurs dans sa ville. En 1860, on fait appel à lui pour décorer une salle du Palais du Commerce (actuelle chambre de commerce).

A partir des années 1870, une partie de la critique, tout en reconnaissant l’habileté de l’artiste, se lasse de ses paysages trop convenus, incapables de rivaliser avec ceux de l’école moderne. 

Réutilisant en 1883 l’estampe intitulée « A Francheville » pour illustrer un article, le directeur Felix Desvernay de Lyon-Revue écrit : « C’est fait avec une habileté de main prodigieuse et conçu dans un grand sentiment de décoration. On dirait d’un Boissieu ou mieux encore d’un Ruysdael. 

M. Ponthus-Cinier voit grand, et il aime la nature dans la splendeur de sa végétation, dans la majesté de ses lignes, avec ses variétés de collines, de pentes ornées d’épais feuillages, alternant avec des roches granitiques, aux couleurs ardentes qui font ressortir encore plus la vigueur de cette luxuriante verdure ».

Son biographe, A. Vingtrinier, dans une notice parue en 1885, lui reconnaît une habileté de main incontestable, et l’art de la composition, et écrit : « Ponthus-Cinier a vécu assez pour voir répudié l’enseignement de sa jeunesse et abandonnée la route qu’il avait suivie avec tant d’ardeur et de succès. Il a tristement assisté au triomphe du  réalisme et du naturalisme dans de Palais des arts, où avaient brillé Orsel et Flandrin. Il a vu ses toiles accrochées à la même cimaise que celles de Manet, Courbet et Frappa, et il ne s’est ni révolté ni rendu ». 

On le classe à l’époque parmi les maîtres du paysage historique, héritiers des fondateurs de l’école de Lyon. Et il n’a finalement pas manqué de succès, puisqu'il institue par testament un concours de « paysage au point de vue décoratif »  destiné à soutenir un jeune artiste de moins de trente ans, d'un prix de 1000 francs qui sera décerné jusque dans les années 40. (Archives départementales, cote 4T58)

 

 

L'oeuvre gravé

 

Ponthus-Cinier était dessinateur et peintre. On ne sait comment il s’est tourné vers la gravure. Vingtrinier écrit qu’« il trouvait à ce changement de travail une distraction d’abord, un amusement peut-être. Il en faisait surtout une étude qui le forçait à serrer son dessin, tout en lui permettant de varier à l’infini le sujet de ses compositions. Pour un vaillant comme lui, le changement était un repos ». La presse de l’époque célèbre surtout sa peinture et ignore assez généralement les estampes.

On peut supposer que ses premières eaux-fortes se placent dans les années 1840. 

Le fait de publier et de faire partie de la Société des aquafortistes presque dès le début de l’aventure Cadart, en 1865, 1866 et en 1867, peut laisser penser que, aquafortiste déjà confirmé, il comprenait le processus de renouveau de l’estampe. Mais en réalité, son absence de l’Illustration nouvelle dans les années 1870 indique qu’il sentait que son art commençait à passer de mode ou que l’art de ces temps nouveaux tendait à l’écarter.

 

De fait l’influence du « paysage historique », manifeste dans sa peinture - ordre et rigueur de la composition, dessin maîtrisé et précis - se retrouve aussi dans ses gravures.  Ses sujets, des paysages paisibles, italiens ou régionaux, identifiables probablement en son temps, montrent des coins d’eau, des roches un peu sauvages, des clairières, des collines surmontées d’une tour ; toujours animés de personnages, pâtres conduisant un troupeau ou jouant de la flûte, pêcheurs, ou femmes occupées à une activité quotidienne (porter de l’eau, cueillir…) ou en situation de repos ou de conversation, accompagnées parfois d’un enfant,  ils composent un monde ordonné, serein, mais hors du temps, presque antiquisant. Une seule gravure est lointainement d’inspiration religieuse, représentant un ermite sous un rocher. On est loin de l’univers des romantiques, et des graveurs de Barbizon, qui étudient la nature pour elle-même et plus près de Claude Gellée. Seule trace du peintre, une des estampes (suggérée par celles de Corot ?) laisse deviner, dans l’ombre profonde des arbres, un dessinateur devant son cahier d’esquisses. 

 

On se trouve finalement en présence d’un graveur assez conformiste, sans grande invention, entre aspiration classique et réalisme.

 

 Essai de catalogue

Toujours est-il qu’il laisse plus d’une trentaine d’estampes, très reconnaissables; ce sont des paysages, systématiquement animés, sous-bois, bords de rivière, rue de village, cour de fermes, animés par des promeneurs, par des troupeaux de vaches ou de moutons accompagnés de leur gardien, ou des femmes dans une activité quotidienne, à la fontaine (2), sur un chemin, à la cueillette, pêchant, ou des mères accompagnées d’un enfant (2). 

Il signe Ponthus-Cinier ou P-Cinier en haut à droite ou à gauche, parfois entre le trait carré et le bord de la cuvette. Parfois ses initiales P-C sont gravées sur la planche, à un endroit adéquat : pierre, rocher.

Les eaux-fortes de Ponthus-Cinier qu’on rencontre souvent sont tirées sur un papier vergé beige, filigrané « Ed et Cie, Plancher Bas ». D’autres sont tirées sur chine contrecollé sur vélin (imprimées par la Société des arts de Lyon) et d’autres encore, plus rares, probablement les premières, sur vélin mince ou sur chine volant.

Quelques unes tirées sur ce vergé beige proviennent d’une édition en nombre faite par l’artiste. On rencontre en effet dix feuilles numérotées à la pointe sous le trait carré (« 1ere Flle » ... ) contenant une série d’eaux-fortes - certaines feuilles contenant deux eaux-fortes -, dont toutes sont signées par le peintre au crayon en bas à droite. 

Mais on trouve aussi ces eaux-fortes sans la mention de leur numérotation mais sur le même papier vergé beige, parfois signées aussi de sa main.

Par ailleurs, de même qu’il a composé et donné à la bibliothèque du Palais des Arts des albums d’aquarelles contenant une reproduction de ses peintures, un album de 26 pages a été déposé à cette même bibliothèque en février 1869 par Ponthus-Cinier lui-même contenant 30 estampes (Bibliothèque municipale de LYON,  cote RES est 28211). Ces estampes sont toutes sans lettre et tirées sur chine ; hormis les nombreuses traces d’encre ou de traits de pointe entre le trait carré et la cuvette, ce qui suggère des premiers tirages, plus ou moins effacées dans les tirages suivants, aucune des ces estampes ne contient des variantes d’état avec celles qu’on trouve ordinairement.

 

Tout classement des estampes de Ponthus-Cinier est arbitraire. Aucune n’est datée. L’ordre de l’album donné par Ponthus-Cinier à la bibliothèque du palais des arts ne semble pas plus pertinent et laisserait le problème entier pour les autres eaux fortes non sélectionnées par l’artiste. Aussi a-t-on simplement tenté de regrouper les estampes en fonction de leur sujet :

- Scène religieuse : 1 

- Paysages italiens : 5

- Vues de lieux identifiés (4) et non identifiés

- Troupeaux et bergers : 3

- Personnages dans un paysage : 10

 

Catalogue (non exhaustif) des estampes de Ponthus-Cinier

1 Saint-Antoine au désert, cuivre 103 x 10

1er état : sans lettre

2ème état : sous le TC à gauche « 4eme Flle ».

 

2 Paysage d’Italie », signé dans la planche en haut à gauche « P-Cinier », et avec le numéro 208 au-dessus du TC. Sous le tc, à gauche Ponthus Cinier sculp. et en dessous Paris, publié par Cadard et Luquet, éditeurs, 79 rue Richelieu, au centre le titre Paysage d’Italie, et à droite Imp. Delâtre, rue St Jacques, 303, Paris, paru dans l’Album de La Société des aquafortistes, 1866.

 

3 Le paysage italien aux grands pins (une femme et un enfant conversent avec un vieillard assis sur une pierre, devant un groupe de pins en avant plan d’une ville au bord de mer) cuivre 25 x 33, 24,4 x 31,9 au TC.  

 

4 Le bord de mer italien avec la maison en ruines (chemin à gauche, une baie au fond, une maison en ruines au centre, et une cascade à droite, le tout animé de 7 personnages) 250 x  326 à la cuvette, 241 x 315 au tc (BML RES est 28211)

 

5 Temple dans la campagne romaine, cuivre 105 x 143,  97 x 139 au TC,  état non signé,

 

6 Campagne de Rome, signé en haut à droite, numéro en haut à droite 156, sous le tc : Ponthus Cinier sculp. à gauche et dessous Paris, publiée par Cadart et Luquet éditeurs, 77 rue Malesherbes, au centre le titre « Campagne de Rome », et à droite, Imp. Delâtre, rue St Jacques, Paris, parue dans l’Album de la Société des aquafortistes, 3ème année, 1865. 

 

7 « A Francheville », cuivre 130 x 207,  120 x 193 au TC  

1er état, avec le numéro 10 en haut à droite, sur chine. 

2ème état, avec la signature en haut à gauche entre le coup de planche et le TC, et « Imp. Wulliam à Lyon » sous le TC à droite, publication dans Lyon Revue, n°32, août 1883. 

 

8 A Châtillon d’Azergues, eau-forte non signée dans la planche, cuivre 133 x 204, 122 x 196 au tc, 

1er état : sans lettre.

2ème état : « 10ème Flle » sous le TC en bas à gauche.

3ème état : reprise sans la mention  « 10ème Flle » dans Châtillon d’Azergues, par F. Desvernay, en 1890.

 

9 Ecluse à Optevoz,  signée dans le cuivre en haut à droite P. Cinier, cuivre 126 x 174,  119 x 169 au trait carré.

 

10  « Forêt de Fontainebleau »,  cuivre 248 x 189.

1er état : signé dans la planche P-Cinier en haut à droite. (exemplaire BNF)

2ème état : numéro « 279 » en haut à droite, sous le TC à droite « P. Cinier sculp. », et en-dessous « Paris, Cadart et Luquet, Editeurs », à gauche « Impr. Delatre Rue St Jacques, Paris », au centre le titre « Forêt de Fontainebleau », parue dans la Société des aquafortistes, 1867.

 

11 « Chiens (Chênes ?) verts », 

1er état : sans lettre

2ème état : Imp Cadart et Luquet, n° 257. Paru dans l’Album de la Société des aquafortistes, 5ème année, 1867.

 

12 Le paysage à la tour ronde dans le lointain, 132 X 207 à la cuvette, 128 x 199 au TC (BML RES est 28211)

 

13 Le cirque de rochers autour de la rivière, 65 x 125 à la cuvette, 60 x 122 au tc (BML RES est 28211)

 

14 La ferme à la charrette, eau-forte non signée, cuivre de 135 x 190, 127 x 182 au tc. 

 

15 La ferme à la porteuse d'eau, cuivre de 162 x 216, non signé.

 

16 La ferme de la paysanne à la jarre, eau-forte, cuivre 133 x 205,  125 x 193 au tc, non signée.

 

17 Le moulin à aube, 131 x 207 à la cuvette, 122 x 198 au TC  (BML RES est 28211)

 

18 La grange, cuivre 100 x 118, sous le TC « 3ème Flle ».  On peut supposer un 1er état sans l’indication « 3ème feuille »

 

19 Le petit pont de bois, cuivre 65 x 98, sous le TC à gauche  « 4eme Flle ». On peut supposer un 1er état sans l’indication « 4ème feuille ».

 

20 La vanne, 69 x 93 à la cuvette,  62 x 86 au tc, signée p.c.

 

21 Le bac auprès de la tour carrée, eau-forte signée dans la planche P-Cinier en haut à gauche, cuivre 195 x 264, 183 x 255 au tc. 

 

22 Le paysage animé  aux deux gros rochers à gauche et au village sur la colline, 131 x 206 à la cuvette, 123 x 201 au TC. (BML RES est 28211).

 

23 Le retour du troupeau devant le château, eau-forte,  cuivre 81 x 144, « 2ème Flle » en dessous du TC. On peut supposer un 1er état sans l’indication « 2ème feuille ».

 

24 Le troupeau sur le pont de pierre, signé « P. Cinier » en haut à droite, cuivre 12,5 x 17,4,   117 x 165 au TC. 

 

25 Le berger derrière son troupeau dans un paysage au premier plan de rochers, signé en haut à gauche dans la planche, sous le TC, à droite « LYON Imp. Fugères  Fres » et en dessous au centre « Société des amis des arts de Lyon ». 

 

26 Quatre Baigneuses au bord d’une rivière dans un sous-bois, signé en haut à droite, P. Cinier,  cuivre 162 x 213, 154 x 205 au TC.

  

27 Deux femmes au bord d’une mare l’une avec une canne à pêche, devant un paysage rocheux,  signé P. Cinier en haut à gauche, cuivre 263 x 213, 250 x 200 au TC. 

 

28 Deux femmes en conversation, l’une assise, l’autre couchée dans la campagne au bord d’une rivière, signé P. Cinier en haut à droite, cuivre 247 x  190, 230 x 177 au TC. 

 

29 Deux femmes, l’une portant une cruche sur la tête, sur un chemin près de la fontaine où

attendent deux hommes, signé P. Cinier en haut à gauche, cuivre 24 x 16,3, 23,1 x 15,4 au TC.

 

30 Une femme sous un chêne, cuivre 92 x 39, sous le TC « 3ème Flle ».

 

31 Femmes à la fontaine observées par un homme, signé P-C sur un rocher en bas à gauche, sous le TC à gauche : « 5ème Flle », cuivre 105 x 140, 96 x 133 au TC. On peut supposer un 1er état  sans l’inscription « 5ème Flle ».

 

32 Femmes au bord d’une rivière ou « La Riccia », non signée, cuivre de 105 x 144,  96 x 135 au TC. 

 

33 Femme et son enfant ramassant quelque chose sur un chemin, et deux hommes au loin assis devant un paysage avec ruines, signé P. Cinier en haut à droite, cuivre 242 x  164, 231 x 154.

 

34 Le pêcheur et la femme, en bas à droite, devant le plan d’eau, cuivre 159 x 215,  156 x 211 au tc, avec signature manuscrite de « Ponthus Cinier » en bas à gauche, sur vélin. 

 

35 Le dessinateur  dans le sous-bois (Un personnage dans un sous-bois près d’une roche escarpée et dans l’ombre un dessinateur tenant un cahier),   cuivre 330 x 251, au trait carré 312 x  232, eau-forte sur chine contre-collée sur velin, signée en bas à droite dans le cuivre Ponthus Cinier.  

2ème état : avec sous le TC à droite « Lyon, Imp. Fugères, Fres »

3ème état : avec au centre « Société des amis des arts de Lyon », estampe parue dans un album collectif de la Société des amis des arts sous le titre « Sous-bois », éd. Louis Perrin et Marinet, 1873 (voir BML 7104)

 

36 Quatre médaillons, cuivre 7 X 8, « 2ème Flle » en dessous du TC .

 

 

Bibliog : Bailly Herzberg, Dictionnaire de l'estampe en France, AMG, 1985

Audin-Vial, Dictionnaire des artistes et des ouvriers d'art du Lyonnais, Paris, Bibliothèque d'art et d'archéologie, 1918