Félix Thiollier, 1842-1914

Les raisons de s’intéresser à cet artiste sont nombreuses : sans parler de l’attachement natal au Forez et à Saint-Etienne - qui lui font écrire de nombreuses études historiques sur des monuments, des objets d’art, des personnages locaux- , le bourgeois aisé, rentier à 35 ans, qu’était Félix Thiollier, passé par le collège Saint Thomas d’Aquin à Oullins, y avait été le condisciple de Paul Borel, peintre et graveur ; plus tard il avait rencontré Ravier dont il était devenu l’ami, photographe comme lui ; il était par ailleurs en relation avec la plupart des artistes de l’époque, qui fréquentaient ses maisons de campagne de Poncins ou de Verrières dans la plaine du Forez. Passionné donc par l’art - il publie des monographies sur Janmot, Bossan, Noirot, Ravier, Borel, Jean Paul Laurens - , il avait essayé même d’être peintre, avant de se tourner vers la photographie et l’édition, se penchant alors particulièrement sur les procédés permettant d’insérer la photographie dans le livre. On se souvient que photographie et gravure ont partagé longtemps le noir et blanc, que l’une comme l’autre mettent en oeuvre une « cuisine » chimique, et que les premiers photographes furent aussi parfois graveurs.

 

Son oeuvre maîtresse est un remarquable Forez pittoresque et monumental (1889) qui présente une illustration exceptionnelle en deux volumes in-folio - le plus grand format possible - sur papier vergé, tiré à 700 exemplaires numérotés. L'un de textes avec 980 gravures ou eaux-fortes, l'autre de 156 planches hors texte. Les gravures de cet énorme livre sont l'œuvre d'artistes du temps parmi lesquels Beauverie, Ravier, Gonnard, Grangier, Noirot, Meley, Borel, Tardieu, Porcher, ... et surtout de Félix Thiollier lui-même.

Il faut cependant prendre toutes ces gravures pour ce qu’elles sont : non les créations d’un artiste sur une plaque de cuivre, mais la reproduction mécanique d’une photographie ou d’un dessin par le procédé de l’héliogravure. Ce qui n’empêchait pas le suivi du processus, l’intervention  de l’artiste sur la plaque, les encrages différents, les essuyages, etc… auquel se plaisait Thiollier. En définitive, on trouve seulement sept authentiques gravures dans l’album de hors textes : une de Ravier, deux de Trouilleux, deux de Beauverie et deux de Thiollier lui-même, qu’on regardera ci-dessous.

 

Notre estampe, une vue du Château de Couzan est très proche d'un dessin héliogravé qui se trouve dans le Forez pittoresque et monumental  ; elle n’en est pas moins autonome. Comme on n’a pas trouvé trace d’un autre ouvrage de Thiollier contenant une gravure du château de Couzan, on peut faire l’hypothèse d’une estampe créée pour sa grande entreprise et non retenue. Ce peut être aussi la création originale, exécutée par goût, d’un érudit qui se plaisait à entretenir son âme d’artiste par le moyen alors le plus reconnu. Moyen susceptible peut-être de lui procurer ce statut que la photographie ne lui accordait pas encore et que d’ailleurs il n’a pas cherché à travers ce média.